Balade en rez-de-chaussée (1) – À Bonneuil-sur-Marne, une nouvelle dynamique commerciale pour le quartier République

Le Sens de la Ville a missionné cinq étudiants du Cycle d’urbanisme de l’Ecole Urbaine de Sciences Po Paris pour cartographier les acteurs de la fabrique urbaine des rez-de-chaussée et en explorer les enjeux émergents. À travers la série “Balades en rez-de-chaussée”, ils partagent leurs explorations des pieds d’immeubles métropolitains.

Une galerie commerciale vieillissante, une fréquentation en baisse, un sentiment d’insécurité : tous les ingrédients étaient réunis pour envisager la fermeture des commerces de proximité du quartier de la République, à Bonneuil-sur-Marne (94). Heureusement, il n’en est rien. Les commerçants ont décidé de se battre, ensemble. Ils ont réussi à alerter la puissance publique sur la nécessité de requalifier leur polarité commerciale vieillissante dans le cadre d’un projet de rénovation urbaine.

 

Itinéraire – Itinérance

Située sur le RER A, la station Sucy-Bonneuil constitue notre point de rendez-vous. Le paysage qui s’offre à nous est un tissu sectorisé, zoné, oscillant entre de l’habitat et des activités tertiaires, dans lequel les voies ferrées constituent une vraie rupture. L’objectif de notre visite est de rallier le quartier de la République où les rez-de-chaussée d’une nouvelle opération de logement sont gérés par l’Epareca (1). Nous prenons donc le bus, traversons un espace vaste et peu lisible, occupé par des “boites à chaussures” qui témoignent du fait que nous nous trouvons au cœur d’une zone d’activités. Nous descendons à l’arrêt Stade de Bonneuil. Le trajet est rapide et sans encombre. Nous continuons à pied en remontant l’avenue de la République. Peu à peu, nous avons la sensation de retrouver un quartier constitué d’un tissu plus structuré où nous pouvons enfin mettre pied à terre.

A première vue

Très vite, une opération récente, à la jonction de l’avenue d’Oradour-sur-Glâne et de l’avenue de la République, attire notre regard. Son architecture contemporaine la distingue de son environnement urbain immédiat, constitué de grandes tours et de barres d’immeubles. Les rez-de-chaussée, qui accueillent un Carrefour City, une boulangerie, une boucherie hallal, un bar-tabac-presse et une pharmacie, forment une polarité commerciale dynamique. Des gens stationnent devant, consomment, entrent et sortent. Ce lieu dessine un espace de rencontre potentiel entre les habitants du quartier.

Parole vive

Entre deux clients, la pharmacienne se plonge dans l’historique de l’opération. Le linéaire actuel remplace une ancienne galerie commerçante datant des années 70. La fréquentation de la galerie déclinait du fait de sa vétusté, de l’insécurité et de l’émergence, à proximité, d’une nouvelle zone commerciale.

En 2008, prenant le problème à bras-le-corps, les commerçants font front commun pour mobiliser la mairie. Leur cohésion a convaincu cette dernière de solliciter l’Epareca et de les aider à constituer un dossier pour la requalification du site. Le projet aboutira 7 ans plus tard, avec la livraison d’un pôle commercial flambant neuf en 2015.

L’Epareca gère aujourd’hui ces locaux commerciaux. Afin que l’opération soit viable, le choix a été fait de ne conserver que les commerces jugés les plus utiles à la population. Ceux ayant une moindre commercialité ont été évincés mais indemnisés. Le Carrefour City, considéré comme la locomotive qui permettrait de générer et de conserver les flux, s’est installé en dernier. Selon notre pharmacienne, « Carrefour City, c‘est bien. Il y a toujours du monde, c’est pratique. Les gens, quand ils rentrent du travail, ils peuvent faire leurs courses et après rentrer chez eux »

Par la suite, les commerçants ont négocié un à un avec l’Epareca afin d’obtenir une aide financière pour l’aménagement de leur local. Celle-ci a été décisive. Chaque commerçant a pu faire appel à un architecte de son choix pour aménager la cellule, livrée brute. Ils ont également pu choisir la localisation leur local en amont du projet. La pharmacienne constate : « L’insécurité et la drogue ont diminué. Ça va mieux mais c’est pas encore ça. »

Nouveau souffle

La redynamisation de cette offre commerciale a permis, entre autres, à un médecin de s’installer. «Là, je peux aller chez le médecin et après venir directement acheter mes médicaments en pharmacie » témoigne un habitant. Elle a aussi encouragé l’installation de nouvelles familles dans le quartier.

L’action menée en collaboration avec l’Epareca a permis de maintenir des commerces de proximité ouverts sur l’espace public. Cette offre contribue au dynamisme – et à l’attractivité – du quartier dans un contexte plus général de transformation urbaine.  

(1) L’Epareca est un établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ciblant spécifiquement les quartiers en rénovation urbaine. Il intervient à la demande d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunal (EPCI) et uniquement lorsque les opérateurs classiques ne sont pas engagés sur le quartier concernés (pour des raisons juridiques, économiques ou en raison d’un contexte de transformation urbaine lourde). Son intervention se déroule en quatre temps, “Montage”, “Production”, “Exploitation” et “Remise sur le marché”. Pour en savoir plus : http://www.epareca.org