De la boutique éphémère au Viaduc des Arts : la Fabrique Nomade se sédentarise !

Situé dans le 12ème arrondissement de Paris, l’ancien “Viaduc Daumesnil” restauré par Patrick Berger entre 1990 et 2000 pour devenir le “Viaduc des arts”, se compose aujourd’hui de 62 locaux sous voûte accueillant des créateurs et des artisans d’art. Depuis juillet 2018, la Fabrique Nomade s’y est installée. Ce sont sous ces voûtes, que nous sommes allés à la rencontre de cette association, lors du vernissage de sa troisième collection. Par la suite nous nous sommes entretenus avec Ghaïta Tauche-Luthi, responsable communication. Retour sur cette rencontre.

Une effervescence règne sous le Viaduc des Arts en ce mardi 11 décembre pour le vernissage de Traits d’Union 3, la troisième collection de la Fabrique Nomade. Fondatrice de l’association qui existe depuis 2016, Inès Mesmar rappelle la genèse du projet: en discutant un jour avec sa mère, elle découvre que celle-ci a été brodeuse à Tunis avant d’immigrer en France. Pour Inès, la raison d’être de la Fabrique Nomade s’éclaire, c’est de “lever les freins qui empêchentles artisans migrants et réfugiés d’exercer leur vrai métier” (barrière de la langue, démarches administratives, absence de réseau, difficultés à s’adapter au marché local…) en accompagnant leur insertion professionnelle en France. Recrutés par bouche à oreille ou via des réunions d’informations auprès des structures d’hébergement, les artisans sont accompagnés pendant 6 mois par des designers bénévoles. L’objectif est d’arriver, au bout d’une saison, à réaliser des objets pour les collections vendues par la Fabrique Nomade dans sa boutique du Viaduc des Arts.

Photos : gauche Le Sens de la Ville / droite : La Fabrique Nomade

Après le discours d’Inès, les artisans présentent leur parcours et leur métier, en binôme avec le designer qui les a accompagnés : Sana est ébéniste, Wadie vannier, Fadhila couturière, Jeannette réalise des imprimés textiles sur des bijoux en cuivre, Fayun est céramiste.Originaire d’Afghanistan, Burhan est lissier (fabricant de tapis) et pour qu’il puisse exercer son activité, la Fabrique a pu emprunter un métier à tisser à l’École Nationale des Arts Décoratifs. Responsable de la communication de la Fabrique Nomade, Ghaïta Tauche-Luthi ajoute :“certains ont vraiment des compétences de niche ; là, on peut jouer un rôle pour trouver des ressources et des contrats”.

photo : le Sens de la Ville, “Sonia et Sacha, nos deux explorateurs pour le Rez-de-Chausseur”

Pour faire tourner la Fabrique, Inès Mesmar et Ghaïta Tauche-Luthi sont deux à travailler à temps plein, accompagnées depuis peu par une conseillère en insertion professionnelle. Plusieurs services civiques renforcent l’équipe, ce qui implique tout de même de “jongler avec la complexité de la transmission de postes, ce qui n’est pas facile”, confie Ghaïta, “tous les 7-8 mois, une nouvelle “saison” s’enclenche avec de nouveaux artisans, de nouveaux designers et une nouvelle équipe”. Pour chaque collection, des professionnels participent aussi au projet : directrice artistique, photographes, scénographes, designers…L’occasion de ce vernissage a aussi été l’occasion de s’interroger sur l’histoire itinérante de cette association. En effet, pour la première fois depuis sa création, toutes les activités de l’association sont regroupées au sein d’un même lieu.

Nichés dans cet interstice serpentant la ville entre Bastille et Porte Dorée, ces rez-de-chaussée sur-mesure dédiés à l’artisanat et à la création participent à l’animation de l’avenue permise par la transparence des vitrines et offrent un vrai spectacle aux piétons. Ici, le rez-de-chaussée s’ouvre ainsi sur un showroom, la boutique et espaces d’animation d’ateliers alors que le sous-sol accueille les ateliers des artisans et la mezzanine héberge les bureaux.

 

Mais avant d’en arriver là, la Fabrique Nomade a fait plusieurs escales. Celle-ci a d’abord fonctionné de manière éclatée entre le makerspace Ici Montreuil et l’espace de coworking La Ruche. Puis, grâce à la mairie de Paris et au GIE Paris Commerces[1], l’association a emménagé dans le local d’une ancienne banque du 19e arrondissement mis à la disposition de façon temporaire, sous la forme d’une convention de mise à disposition. C’est donc dans le quartier Danube-Solidarité (19ème), que la Fabrique Nomade s’est installée dans un second temps, entre les Buttes Chaumont et la Porte de Pantin. Les anciens guichets se sont ainsi transformés en bureaux, les cours de langue y ont également trouvé leur place, et le coffre-fort s’est métamorphosé en atelier de menuiserie. Malgré sa vitrine sur rue et ses ateliers gratuit, la Fabrique Nomade n’a pas pu créer une vraie relation de quartier, restant assez excentrée, et ne captant pas un flux de public suffisant.

En juillet, La Fabrique Nomade s’installe au Viaduc des Arts, dans un espace de 300m2. La ville de Paris en est propriétaire et concède la gestion ainsi que la commercialisation du Viaduc à la SEMAEST, dans le cadre d’un bail emphytéotique. Cette installation est une belle fenêtre d’opportunités pour favoriser l’insertion professionnelle des artisans, l’animation d’ateliers de pratique artisanale et les ventes d’objets de la collection.

A l’avenir, l’association souhaite “augmenter un peu le nombre de résidents, de faire une vraie certification “La Fabrique Nomade” qui soit reconnue, pour que les artisans, une fois qu’ils sortent, aient comme un diplôme, pour qu’ils aient accès à ce type de reconnaissance” ! Tout un programme pour la Fabrique Nomade en devenir !

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[1] Structure regroupant les trois bailleurs sociaux de la ville de Paris, Paris Habitat, RIVP et Elogie SIEMP
 

Photo : Le Parisien, “Paris : la Fabrique Nomade ouvre ses portes aux artisans réfugiés”, 30 Septembre 2018