Berlin : des rez-de-chaussée vacants pour la jeunesse

Le rez-de-chausseur consacre une série aux usages de RDC à Berlin. Ada, une Berlinoise native, a mené l’enquête sur un dispositif d’appropriation de rez-de-chaussée vacants par des jeunes. Cet enjeu de conception “citoyenne” des rez-de-chaussée de la ville nous taraude au Sens de la Ville et cette expérience berlinoise nous inspire !

L’enquête nous a emmené à se pencher sur deux enjeux : l’envie des jeunes d’avoir à disposition un lieu qui leur est propre d’une part et les RDC vacants d’autre part. Cette enquête présente un projet qui a réussi à les combiner. La première édition se nomme « Ladenhüter », traduit littéralement en « veilleur de boutique », utilisé dans le sens d’un objet qui ne se vend pas, présent depuis tellement longtemps qu’il veillerait sur le magasin. Dans le contexte de notre enquête un jeune ayant devient un « veilleur de magasin » dans un rez-de-chaussée vacant. Trois ans après la mise en place de ce projet le nom de « Junge Pächter », traduit en « jeunes locataires », est venu remplacer « Ladenhüter ».

Le projet a été initié en 2011 par la Schlesische 27, une maison sociale et culturelle à Berlin après l’expression des souhaits d’un groupe de jeunes lors d’une conférence sur la jeunesse et la culture. Neuf locaux ont été alors trouvés par la Schlesische 27 et occupés par des groupes de jeunes entre 15 et 25 ans pour deux fois trois ans.

Pour avoir des informations nous avons appelé Ben, un architecte, ayant participé plus jeune au projet « Junge Pächter » : Il s’était engagé dans un des sous-projets nommé « Space shuffle », un local de RDC vacant à Neukölln, quartier de Berlin. Leur idée était de créer un espace de création et d’exposition d’installation artistiques.

Le local se trouvait au rez-de-chaussée, accessible par une cour intérieure, dans une rue latérale du centre de Neukölln. Lors de la remise des clés, le lieu était en mauvais état. Pour l’inauguration les invités étaient donc conviés à blanchir les murs comme nouveau départ pour de futures expositions.

Exposition SPCSFL 2.0 (Photo : Benjamin Menzel)

Dans cet espace libre non aménagé, avec 130 € par mois mis à disposition par la Schlesische 27 pour de l’achat de matériel, plusieurs idées étaient possibles. La seule contrainte était de développer des projets, quels qu’ils soient et de les documenter. Mais peu importe cette contrainte, le sentiment de participer à un projet prestigieux suffisait à les animer. Un tuteur, membre de l’opéra Neukölln, ainsi qu’un interlocuteur de l’institution Schlesische 27 passait de temps en temps et offraient leur aide, pour des problèmes techniques et de montage. Les jeunes expérimentaient différents matériaux et lumières pour créer des installations interactives. A côté de leurs propres productions, d’autres artistes étaient invités à exposer leurs œuvres. D’une exposition à l’autre, le Space Shuffle devenait un vrai lieu de rencontre pour de jeunes artistes et amateurs. Lors des évènements ils proposaient des boissons à participation libre, car toute vente officielle était interdite.

Inauguration “Inwhitetion” (Photo : Benjamin Menzel)

Le groupe du « Space Shuffle » était constitué d’environ 6 jeunes, qui changeaient fréquemment de composition. Ils étaient à l’école ou venaient de la finir et s’engageaient au Space Shuffle pendant leur temps libre. Selon Ben la gouvernance entre eux était le plus grand enjeu et ce qui l’a enrichi le plus.

A la fin des trois ans de projet subventionné le groupe de jeune à eu l’option de reprendre le local, mais cette fois si avec un loyer. Ils ont décliné faute de moyens. Ben précise que ce n’a été jamais le but de devenir économiquement autonome.

Dans les huit autres locaux de ce projet répartis sur Berlin, les autres groupes ont dédié leur local à des ateliers de théâtres ou de sérigraphie, à la réparation de vélo ou des salles de répétitions. Le « Heim(e)lich » à Köpenick, une salle de concert d’atmosphère, confortable « chez soi » comme le nom en fait allusion, est le seul local de tous les sous-projets à s’être pérennisé grâce à une coopération avec un théâtre local. Le loyer est offert par le propriétaire des locaux, un bailleur social et les charges sont prisent par le bureau d’aide sociale à la jeunesse. Une vraie structure s’est créée autour de ce projet de jeunes.

Même si le projet « Space shuffle » s’est arrêté, Ben le considère comme un succès. En regardant en arrière, il souligne le bon apprentissage d’organisation d’un lieu culturel avec tous les défis associés comme obtenir des subventions, calculer le budget, l’organisation d’expositions et d’évènements et surtout de réussir à s’organiser en groupe. Selon lui la recette du succès est de donner de l’espace aux jeunes sans pression financière, sans concepts imposés ni restreintes de concepts, et ils réussiront à se débrouiller.

En termes d’occupation de RDC ce projet n’a pas cherché principalement à animer la rue, mais à utiliser ce capital pour donner de l’espace, sans contrainte financière et un faible niveau d’entrée, à des jeunes pleins d’idées et ayant envie de créer leur propre aventure.

L’atelier (Photo : Benjamin Menzel)